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Georges de La Tour, Les larmes de saint Pierre, 1645

Georges de La Tour (1593-1652)

huile sur toile

1645, signée et datée dans le coin inférieur droit.

114 x 95 cm

Cleveland Museum of Art, Cleveland

Il s'agit d'une des rares oeuvres dont nous connaissons précisément la date et l'auteur, La Tour n'ayant pas cette habitude.

Georges de La Tour est un peintre français du XVII° siècle; il travaille à la cour de Lorraine. Ce peintre est tombé dans l'oubli pendant presque trois siècles pour n'avoir été redécouvert que récemment. Sa grande particularité qui fait tout son succès aujourd'hui est, par l'influence directe ou indirecte du Caravage, la maîtrise du clair-obscur. Le tableau que nous voyons aujourd'hui ne fait pas exception et nous livre une scène où la lumière tient la première place.

Contexte historique

Au XVII° siècle, l'Europe est encore agitée par les conflits religieux, entre protestants et catholiques.

Nous sommes sous le règne de Louis XIII, pendant la guerre de Trente Ans. De La Tour est revenu à Lunéville après un séjour à Paris où il s'est fait remarqué auprès du roi.

Conditions d'exécution

Comme pour la plupart du corpus de Georges de La Tour, les motivations du peintre restent inconnues.

Un tel tableau, à la limite entre peinture religieuse et peinture de genre, aurait pu être une commande pour une chapelle mais plus probablement pour un intérieur d'Henri II de Lorraine pour qui il travaillait ou un autre noble.

 

Source biblique

Le tableau représente la prise de conscience de l'apôtre de Jésus, celui qu'Il a choisi pour être "le pasteur qui fait paître le troupeau". Jésus lui avait annoncé le soir de son arrestation, lors de la Cène, qu'il le renierait par trois fois "avant que le coq ait chanté trois fois".

Saint Pierre a suivi Jésus fait prisonnier par les Juifs, et dans la cour, il est interpellé: une servante le reconnaît et par trois fois il nie être un disciple du Christ: "alors le coq chanta, et se rappelant ce que Jésus lui avait dit, il sortit et pleura amèrement" (Luc XXII, 62; Matt XXXVI, 75). C'est cette repentance qui est ici représentée.

Pour prendre les choses dans l'ordre, on remarquera d'abord le cadrage très serré: saint Pierre occupe presque tout l'espace du tableau, il est à l'étroit, comme prisonnier de l'angoisse qui le sert.

Georges de La Tour insiste sur son dénuement: c'est un simple homme représenté ici, avec sa robe de grosse toile, ses sandales, assis dans la pénombre. Le premier chef de l'Eglise se fait humble, et d'une certaine façon, rappelle que tout homme est faible et peut fauter. La présence du coq lui permet de garder conscience de sa vulnérabilité face au péché. Le coq est alors admoniteur pour nous: le peintre, par le biais du volatile, nous interpelle aussi, nous invitant aussi à nous considérer comme saint Pierre dans cette scène qui ressemble plus à une scène de genre qu'un tableau d'histoire, renforçant l'intimité et donc facilitant la relation, l'échange et l'imitation. Irving Lavin voit aussi dans ce coq une caricature de saint Pierre: tous les deux de profil, ils ont la même forme de tête. De par ce rapprochement zoomorphique, pratique qui se faisait à l'époque et qui permettait d'établir le caractère des gens, saint Pierre est assimilé à l'homme pécheur, le coq ayant une connotation très négative.

 On peut voir que Georges de La Tour a pris le parti de la Contre-Réforme en faisant, à travers ce thème de la repentance de Pierre, une apologie du sacrement de Pénitence: saint Pierre éprouve une véritable contrition de sa faute, contrition visible par la larme de contrition qui brille sur le coin de son oeil mais surtout par le motif iconographique original de ses mains. Contrairement à d'autres représentations de saint Pierre repentant, il n'a pas les doigts croisés mais les mains jointes perpendiculairement, démontrant son angoisse, sa conscience de la gravité de son péché. Dans les autres représentations de saint Pierre sur ce thème, le peintre reproduit ce motif unique au saint de ces mains tordues. Son regard, qui sort du tableau, semble fixer quelque chose de surnaturel que le peintre matérialise par une douce clarté. Celle-ci ne provient pas de la lanterne, posée aux pieds du pécheur, car elle n'éclaire que la partie basse du tableau; ce n'est pas non plus la lumière de l'aube qu'on voit poindre au fond de la composition. Non cette lumière est surnaturelle, c'est celle de la miséricorde de Dieu: pour avoir avoué et regretté sa faute, Pierre sera pardonné. La larme peut alors être vue comme l'eau du baptême qui lave l'âme du péché, tandis que le pied de vigne en arrière-plan à gauche possède aussi une forte connotation sacramentelle. Saint Pierre renaît de son péché par le sacrement de Pénitence.

Conclusion

Encore une fois, Georges de La Tour nous livre une scène forte en émotion dont la lumière participe à l'intimité bien que le sujet soit religieux. Le clair-obscur attire notre regard sur l'essentiel, tout en nous laissant deviner ce qu'on ne voit pas.
 

Bibliographie

LAVIN, Irving, "Les larmes de Saint Pierre et la lumière "occulte" de la pénitence", dans L'âge d'or du nocturne, Gallimard

 

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Date de dernière mise à jour : 29/01/2016

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